Un Monde Ailleurs.
Jour de la Terre (suite).
Toutes les histoires ont un héros, c’est comme ça sinon ce ne serait pas une histoire, logique non? Admettons qu’un jour, un écrivain soit assez désespéré pour en venir à retranscrire dans un
bouquin, le contenu de ma misérable vie. Je crois que je serais un peu le genre de héros inutile, où on passe plus de temps à se demander ce qu’il fiche là-dedans, que ce qui va lui arriver. Un
peu, comme Blanche Neige quoi! C’est vrai, cette nana a passé les trois quarts de son conte à roupiller gentiment sur un tas de coussins, pendant que sept mioches et un type tout droit échappé
d’une pub colgate, cherchaient un moyen pour la réveiller. Un peu comme moi en fait. Si on va par là, j’ai passé plus de temps évanoui que debout depuis que je suis arrivé ici. Je serais donc
une sorte de Blanche Neige au masculin… La jupette jaune en moins.
Ceci dit, quelqu’un aurait-il l’amabilité de m’expliquer pourquoi ce genre de choses n’arrivent qu’à moi?
Au moment où Aelis a ouvert la porte, j’ai à peine eu le temps de le voir faire un bond sur le côté, qu’un train m’est passé dessus. Un train ou autre chose, mais le résultat doit être à peu de
choses prés le même. Je me souviens avoir fait un bon vol plané et après, pour changer, tout est devenu noir. Je pense qu’avec l'expérience, j’aurais dû être habitué, mais non, pas moyen, je
n’arrive pas à m’y faire. Cette sensation désagréable de tomber dans le vide, d’avoir des fourmis dans les membres, m’empêchant de les bouger. J’essaye de me forcer à ouvrir les yeux, mais ils
s’obstinent à rester clos. Je ne sais même plus, si je suis encore allongé dans le couloir ou si j’ai atterri ailleurs.
Je ne sais vraiment pas où je suis, je ne sens plus le sol sous mon corps, je parviens, à peine, à distinguer des murmures autour de moi :
- Ah bravo… C’était bien vu ça… Félicitation !
- Roh ça va, t’en fais toujours trop…
- Quand je vois ça, ça me donne envie de perdre mon calme…
- Pfff, tout ça pour une petite brise…
- Une petite brise? Une petite brise ??? C’était au moins un ouragan ! Exactement le genre de choses qu’on t’avait interdit !
Deux voix qui haussent le ton… Une voix chaude, familière, que je pourrais reconnaitre entre mille, Aelis… Et une autre, plus aigüe, un brin fluette, comme le son
du vent qui passe au travers des feuilles d’un arbre, une voix d’enfant.
- C’est bon Aelis, calme toi, elle voulait juste faire une farce au petit nouveau. Elle ne pouvait pas prévoir que ça l’enverrait tout droit au royaume des
rêves.
- Tu parles d’une farce, il faudrait voir à grandir un jour…
- Je dis pas le contraire, mais tu sais comment elle est… Tout comme le gui, qui suce la sève des arbres, elle s’entête à faire ce qui lui plait et nous pompe
l’air.
- Espèce de … Tu vas voir ce qu’il va te faire le gui! Amène-toi !
Une nouvelle voix claire et agréable, apaisante comme le clapotis d’une rivière. Puis un bruit sec, des pas rapides, une, deux personnes qui se courent après et un
rire qui retentit et se répète comme la houle de l’océan.
- Vous voulez pas la fermer cinq minutes ?? Y’en a qui aimeraient se reposer ici !
- C’que tu peux être rabat-joie, mon pauvre vieux. Faudrait p’têtre voir à te décoincer ou tu vas finir célib toute ta vie. Hein ? Mon p’tit pére, tu veux que je
te donne quelques conseils ? Alors, primo change de...
- Oula ! Ça va pas la tête, c’est dangereux de faire ça !
Une troisième voix inconnue. Chaude et puissante comme un brasier, une voix d’homme imposant le respect. Puis un bruit d’objet qu’on jette et qui heurte quelque
chose. Un petit cri de douleur, une voix déjà entendue, qui rouspète, puis un soupir qui retentit et le claquement d’un ouvrage, que l’on referme d’un coup sec.
- Bon, stop on se calme. Vous deux, vous arrêtez de courir partout, toi, tu arrêtes d’emmerder l’autre endormi…
- Hey !
- Et toi, tu es prié de ne pas balancer mes livres sur l’autre idiot !
- Idiot ? Hey ! Oh att…
- Quant à toi, au lieu de dégueulasser le sol, rends-toi utile et réveille le nouveau !
- A vos ordres vielles mégère !
- T’en veux une… ?
- Du calme, du calme, j’y vais !
Une dernière voix, suave, rauque qui résonne, comme si elle avait traversé un tunnel pour parvenir jusqu’à mes oreilles, une voix froide et distante… Soudain, une
quantité impressionnante d’un liquide glacé,atterrit sur ma figure. Le choc est immédiat et me fait ouvrir les yeux et me redresser d’un coup.
- Mission accomplie cap’taine, la cible s’est réveillée !
- …
Trois visages sont penchés au dessus de moi. Parmi eux, je reconnais Aelis qui affiche une mine tiraillée entre le soulagement, l’inquiétude et visiblement, la
colère. A sa droite, se trouve une petite fille. Vu son apparence, elle ne doit pas avoir plus de douze ou treize ans. Elle a des cheveux bouclés, couleur noisette parsemée de petites mèches
rousses qui encadrent un visage à la peau dorée ainsi que deux yeux en amande d’un vert pas très naturel. A la gauche d’Aelis, se trouve un jeune garçon, visiblement de son âge mais légèrement
plus grand. Il a de très long cheveux d’une blancheur rivalisant avec la pureté de la neige, ses yeux sont bleus comme la mer et semble changer de couleur à chaque regard que je pose sur
lui.
Je fixe à tour de rôles, les deux étrangers qui me sourient. Puis me rappelant, que je suis encore assis sur le marbre froid et trempé, je tente maladroitement de me relever, mais mes jambes
refusent de tenir et je ne parviens qu’à m’assoir un peu plus droit. Avec un sourire, le jeune homme, à la chevelure blanche, me tend une main compatissante pour m’aider. Je m’en saisis et la
lâche sous l’effet de la surprise. Sa peau pâle est aussi froide que la glace, comme si aucun sang ne circulait dans ses veines pour venir les réchauffer. J’ouvre la bouche pour poser la
question qui me brûle les lèvres, mais il me saisit par la main et me redresse d’un coup sec, me faisant taire d’un clin d’œil.
Une fois debout, je tente en vain d'essorer mes vêtements, quand je m’aperçois qu’il y a deux personnes de plus au fond de la salle. L’un semble être un homme de grande taille à la carrure
musclée. Il a la peau bronzée, des cheveux d’un rouge étincelant qui lui tombent sur ses yeux d’un rouge foncé. La seconde personne est une jeune femme à l’aspect fantomatique. Sa peau est si
pâle, qu'elle en est presque transparente. Elle a de très longs cheveux d’un châtain foncé qui s'éclaircissent aux pointes et ses yeux sont blancs. Pas gris, même très pâle, non, blanc, à tel
point qu'elle semble n’avoir qu’un iris noir entouré de blanc. Je n’ai pas pu m’empêcher de trouver ces deux-là effrayants, malgré leurs âges, probablement pas plus avancé que les nôtres.
Voyant mon air complètement perdu, Aelis s’avança jusqu’à moi et posa sa main sur mon épaule pour me rassurer. Malgré, la multitude de questions qui me hantait l’esprit à ce moment-là, la seule
qui m’échappa fut:
- Euh… D’où sort toute cette eau ?
Les quatre visages se tournèrent d’un coup vers le jeune homme à la chevelure blanche, qui sursauta et sembla bizarrement très intéressé par le plafond de la
pièce, ce qui fit pouffer de rire la petite fille et Aelis.
S’arrêtant de rire, Aelis haussa un peu la voix, faisant ainsi redescendre la tête du jeune homme et stopper les ricanements de la petite, tout en attirant l’attention des deux autres toujours
installés au fond de la pièce.
- Bon, je crois qu’il est temps de faire les présentations! Bien qu’à cause des circonstances,rien ne soit sûre, ses pouvoirs, bien qu'ils soient encore
incontrôlables, ont été analysés par maître Skarn. Les résultats sont formels, il s’agit de magie noire. Le premier utilisateur depuis trois siécles… Il y a donc,de fortes chances pour qu’il
soit celui que nous recherchions. C’est pourquoi, je pense qu'à nous tous, nous serions en mesure de libérer totalement le pouvoir qui est en lui. Ainsi, nous serions fixés et peut-être
trouverons-nous un moyen de mettre fin à cette stupide guerre… Bref, je vous présente Derris.
S’en suivit un silence religieux où quatre paires d’yeux me dévisagèrent allègrement.
Puis Aelis se tourna vers eux et repris la parole:
- Donc Derris je te présente : Shael’Drynn. Il désigna la petite fille, qui me fit un sourire charmeur. Tsubaki. Il montra la jeune femme aux yeux blancs assise sur un pouf à l’autre bout de la salle. Raëden. Il fit un signe de tête vers l’homme aux
cheveux et yeux rouge. Et pour finir, Levi. En guise de présentation, le jeune homme aux cheveux blancs me tira la langue. Voilà les quatre autres
dont je t’ai parlé. Six éléments, six dieux, six élus, tous réunis dans cette pièce...
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